Maryam Belmkaddem à la Villa des arts de Casablanca
Massar
ـ 20
ans de création
La Fondation ONA organise jusqu’au 20 octobre
2017 l’exposition «Massar – 20 ans de
création» de l’artiste peintre Maryam Belmkaddem à la Villa des arts de
Casablanca
Pour annachraalikhbaria
Dr. Cheikh Abdellah
Sur son expérience
plastique, Ahmed Fassai, critique d’art, a écrit un article synthétique
intitulé « transparence et contemporanéité » dont voici un extrait: "Lorsqu’un
art est fait d’émanations incontrôlées mais surprend, hallucinant, autant par
l’étonnante harmonie sans artifice que par l’exubérance imaginative, le déclic est certain. Serait-
ce le signe d’un retour en force de l’art lâché vif, face à cette arrogance de l’art
dit conceptuel, à une certaine hégémonie
de l’image électronique qui assomme bien plus qu’elle ne séduit ? L’alternative
est angoissante et donne à réfléchir. Quand, il y a soixante-neuf ans de cela,
Jean Dubuffet, artiste et premier théoricien de l’art brut, s’extasiait devant
des œuvres de créateurs ayant peint sans
apprentissage, sans modèles hérités, et auquel André Breton se fut associé, un
certain temps, avant de s’allier tout haut, dans la même perspective de quête d’un art non corrompu
par l’artifice ; quand, plus tard, Pierre Gaudibert, écrivain et critique d’art
français, tout comme Ahmed Cherkaoui allaient dire leur admiration devant la
peinture spontanée d’une campagnarde que fut ChaîbiaTallal, le même personnage
dont les œuvres allaient être exposées
plus tard, à côté des œuvres de Pierre Alechinsky, le dernier des protagonistes
du cobra, artiste et témoin d’une époque
toujours présent ; quand le geste créatif qui n’est nullement
conditionné est souverain, face à un flux de savoir, à une profusion de
tendances, le dilemme est certain. Se
résigner devant un art intellectualiste ou se laisser séduire devant les
curiosités d’une peinture qui privilégie l’égo, voire l’humain qui échappe à la censure de l’intellect, Maryam Belmkaddem
nous fournit sans le savoir un exemple des plus éloquents. Longtemps attelée,
très courtoisement aux créateurs vaguement singuliers, la révélation nous met
en présence d’une peinture au statut propre. Ni foncièrement naïve ni
délibérément moderne, c’est une plasticienne qui crée sans prêter attention aux
aléas du style qu’elle s’est forgé en s’appuyant sur son émoi et les
impressions que lui inspire sa vie en société. Sans fard ni quelque intention
calculée, ni créatrice médiumnique, ni artiste hors-normes, c’est un personnage
pas du tout reclus mais dont une spontanéité à la limite de l’instinctif, est
voyante. Son caractère solitaire, il est vrai, comme maints artistes, mais
plutôt singulier, lui confère une personnalité à l’allure propre ."
tableau
Maryam Belmkaddem
|
![]() |
Ouvre Maryam
Belmkaddem
|
La plasticienne exclut la figuration, il est vrai. Elle laisse transparaître une expression plutôt informelle dans un processus créatif où geste, matière et signe font bon ménage. Une exploration des potentialités expressives de la matière qui a donné naissance à des traces, un tachisme pris sur le vif mais sans excès, des signes comme pour dire quelque écriture personnelle, pas nécessairement pour faire une image, et même dépourvue de signification évidente ou préméditée. On aurait dit que Maryam Belmkaddem est venue dans cette perspective, réinterroger l’art brut avec les appropriations de nouveaux outils et matériaux ou de nouvelles techniques telles le collage ou le recyclage. Un processus qui rappelle une exposition internationale intitulée « Brut nouveau, au temps des technologies » montée, fin deux mille seize, par les musées de Belfort et un espace multimédia connu sur la toile internet. Avec une peinture instinctive, sans prétention culturelle ni démarche conçue au préalable à part, les quelques menus artifices plutôt à dimension ludique qu’elle laisse entendre, le processus créatif de Maryam Belmkaddem fait penser à la « Neuve Invention » un groupe privilégiant la seule créativité, abstraction faite du caractère brut, naïf, populaire ou d’autre penchant.. D’ailleurs, dans le même sillage, avaient été ouvertes deux galeries sous le nom de « Objet trouvé » à Paris puis à New York avec comme objectif d’établir un dialogue entre l’art brut et l’art contemporain. Etant entendu que l’art brut n’est pas un mouvement à part entière mais un genre qui côtoie l’art dit classique ou franchement contemporain mais se distingue avec ses univers personnels, fruits du hasard et des sensations non refoulées, on a toujours tenté de forcer la reconnaissance. Des critiques ayant affiché quelque réserve, ayant taxé les plasticiens quasiment spontanés de créateurs en mal de reconnaissance, cherchant une place au soleil, la confirmation de talents de ces mages de l’instinctif, du spontané, lesquels n’ont rien à envier à d’autres, fut à même de les élever au statut d’artistes à part entière. Dès lors, ce n’est pas sans raison si jean Dubuffet avait défendu ses positions anti culturelles et mis à l’index ’’ l’action stérilisante’’ de ces ‘’pompes culturelles ‘’qu’il eut raillées par le discours et la création.
Fascinée par la peinture, Maryam se découvre artiste
peintre et s’attache passionnément à son statut, en fait pleinement son
identité et sa raison d’être, car valorisant et source de bonheur. Ni artiste
d’inspiration médiumnique agissant par quelque impulsion surnaturelle, ni de
penchant psychopathologique croyant au mystère; encore moins une marginale ou
une anticonformiste tel ce célèbre Gaston Chaissac pourtant reconnu par le
marché de l’art, et qui refusait dans une certaine mesure, les normes de la
société, Maryam Belmkaddem a bâti son univers dans le retrait, pas du tout en tour d’ivoire mais créant dans la
totale indifférence et l’insouciance. Constante dans ses approches et loin de
toute imitation, la plasticienne est simplement miroir vivant, palpitant même.
Elle fait un clin d’œil aux nouveaux
réalistes avec son aventure dans le réel en soi et non à travers le prisme
d’une certaine transcription conceptuelle. Elle tire ses sujets, son choix des
matériaux et sa façon de transcrire son fort intérieur, de ses propres fonds,
laissant transparaitre la seule créativité. Dans une approche plutôt descriptive
de son art rien ne déroute ni n’intrigue. L’origine est d’ordre ludique;
l’alphabet est lucide; l’inspiration est émotionnelle et paradoxalement, le
lien avec l’art contemporain est naturel et sans artifice. Une création
actuelle par excellence. L’œuvre, de dilettante au départ laisse béat par cette
abstraction filée au gré de l’humeur mais pas du tout infantile. Un art pas
nécessairement spirite mais qui dénote de visions profondes et exprimées par le
seul acte de peindre. La maturité cependant est tangible et le beau du rendu
quelquefois s’avère intrigant. L’artiste affronte sa violence interne, plutôt
imperméable à l’environnement extérieur quoique réceptive car elle agit par
pulsions, commandées par un imaginaire en gestation continuelle. Un univers
fait de caprices, de jets émotionnels sur le support, ignorant les limites du
dicible mais dont le sens y est, saillant, vrai, car il est fait de
dévoilements dictés par la seule force d’une spontanéité latente. Ce sont
curieusement, ces mêmes symptômes et manifestations spontanées et lâchées
telles qu’elles provenaient, qu’avaient eus, bien avant elle les fauves, les
expressionnistes tout comme les informels. Une peinture longtemps demeurée
cloitrée, pourtant digne d’avoir une place au soleil, au musée consacré à l’art
dévoilé vif,
sans fards ni artifices, ni dictat de marchands d’art ou de décideurs inaperçus"
sans fards ni artifices, ni dictat de marchands d’art ou de décideurs inaperçus"
![]() |
Maryam Belmkaddem |
critique d’art
0 التعليقات:
إرسال تعليق